Conversions cogénération → injection: où en est-on après les deux textes de l’automne 2025?
Green Hub
12/5/20255 min temps de lecture
Conversions cogénération → injection: où en est-on après les deux textes de l’automne 2025?
Le mois de septembre 2025 a marqué un tournant important pour les installations de cogénération biogaz en France. En l’espace de quelques semaines, deux textes réglementaires ont modifié le cadre des projets de conversion vers l’injection, ouvrant une fenêtre d’opportunités pour les exploitants après plusieurs années d’incertitudes. Certaines modalités pratiques restent toutefois à préciser par l’administration, ce qui pourra influencer la mise en œuvre concrète des conversions.
Fin des pénalités pour résilier les contrats d’achat d’électricité
Le 8 septembre, un arrêté publié au Journal Officiel a prévu, sous conditions, la suppression des indemnités de résiliation des contrats d’achat d’électricité issus de la cogénération, notamment pour les BG11* et BG16**, lorsque l’installation est convertie vers l’injection, le BioGNV ou la chaleur.
Jusqu’ici, ces pénalités constituaient un frein économique majeur : dans certains cas, le coût pouvait atteindre plusieurs centaines de milliers d’euros, rendant la conversion difficilement envisageable.
Désormais, un exploitant peut déposer un dossier auprès du préfet et obtenir une décision en principe sous deux mois. Le silence vaut rejet, mais en cas d’accord, la résiliation peut se faire sans pénalité. Les contrats BG11 signés après le 28 mai 2016 sont également éligibles, sous réserve du démantèlement de l’unité de production électrique, ce point devant être confirmé au cas par cas. Dans la pratique, l’instruction et l’appréciation préfectorale pourront varier selon les territoires, ce qui rend les retours d’expérience encore déterminants.
Cette évolution ouvre la voie à des conversions auparavant freinées par le coût des pénalités, même si l’issue reste conditionnée à l’acceptation préfectorale et à la conformité des dossiers.
Un nouveau cadre économique avec les Certificats de Production de Biogaz (CPB)
Le 10 octobre, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) a publié une délibération proposant d’augmenter le coefficient de modulation des CPB pour les unités de cogénération converties à l’injection.
Dans le dispositif actuel, une installation ancienne voit son coefficient tomber à 0,8 après quinze ans, sur le principe que les équipements sont amortis. Or, une conversion implique des investissements supplémentaires (unités d’épuration, adaptation du site, raccordement) selon la taille et le type de projet. À 0,8, la rentabilité peut s’avérer insuffisante dans de nombreux cas.
La CRE propose de relever le coefficient de modulation à 0,95 pour les installations de cogénération âgées de plus de quinze ans et jusqu’à trente ans. Dans ses analyses, elle prend comme cas type une installation produisant 8 GWh PCS par an, raccordée à cinq kilomètres du réseau. Cette majoration rend la conversion plus économiquement viable, tout en restant dépendante des coûts d’investissement, du prix des certificats et des conditions de financement. Il s’agit à ce stade d’une proposition : des arbitrages techniques restent possibles avant la publication de l’arrêté.
Cette mesure n’est pas encore actée : un arrêté ministériel devra confirmer le coefficient majoré. Selon le calendrier anticipé, une publication pourrait intervenir avant la fin de l’année, mais aucune certitude n’existe encore.
Une nécessité pour éviter les tensions sur le marché CPB
L’entrée en vigueur du dispositif CPB au 1er janvier 2026 devrait créer une demande immédiate de certificats, proportionnelle aux ventes de gaz des fournisseurs résidentiels et tertiaires. La filière anticipe un risque de tension, car la construction de nouvelles unités de biométhane prend généralement trois à quatre ans pour être mise en service.
Dans ce contexte, les conversions de cogénération représentent une source de volumes plus rapide et potentiellement indispensable pour alimenter le système. Plusieurs exploitants pourraient envisager d’accélérer leurs projets afin de bénéficier du coefficient majoré. Si la fenêtre se referme après 2028 ou 2029, la période 2025–2028 pourrait devenir stratégique pour reconfigurer une partie du parc existant. Ces dynamiques restent toutefois dépendantes des décisions des exploitants et de l’issue de la réglementation. Le rythme réel des conversions dépendra également de la disponibilité des fournisseurs, des capacités locales d’injection et des contraintes de réseau.
Une transition alignée avec les priorités énergétiques françaises
Le mouvement s'inscrit dans une réorientation stratégique: la France privilégie désormais l'injection de biométhane plutôt que la cogénération. L'électricité française étant déjà décarbonée à 95%, les priorités énergétiques nationales se concentrent sur la décarbonation de la chaleur et des transports, secteurs où le biométhane peut jouer un rôle significatif.
Ce basculement s'accompagne d'un changement de modèle de financement : le passage du soutien budgétaire de l'État (pour la cogénération) vers un mécanisme extra-budgétaire via les Certificats de Production de Biogaz (CPB), où ce sont les fournisseurs de gaz obligés qui financent le soutien à l'injection.
Pour les installations vieillissantes dont les moteurs de cogénération deviennent coûteux à entretenir, la conversion vers l'injection représente une opportunité stratégique. La viabilité économique de cette transition dépendra toutefois des conditions locales : distance au réseau de gaz, coûts de raccordement, et niveau du coefficient CPB applicable (0,95 pour les conversions selon l'avis de la CRE). Dans certains cas, notamment lorsque le raccordement est très coûteux, la conversion peut rester difficile à justifier économiquement.
Des décisions attendues par la filière
L’arrêté du 8 septembre a levé le principal frein administratif à la conversion. La proposition de la CRE du 10 octobre redessine un cadre économique plus cohérent avec les investissements nécessaires. La confirmation du coefficient majoré par arrêté reste la condition clé pour dynamiser réellement la conversion des installations.
Les textes réglementaires attendus préciseront les conditions définitives et permettront aux exploitants de sécuriser leurs plans d’investissement. Si les arbitrages sont confirmés, la période à venir pourrait accélérer la réorientation structurelle de la filière vers l’injection et jouer un rôle significatif dans l’équilibre du marché CPB dès 2026. Les acteurs restent toutefois prudents, en attendant la publication définitive des textes et les premiers retours d’expérience sur les demandes de résiliation.
* BG11: Contrat conclu au titre de l’arrêté du 19 mai 2011, destiné aux installations de production d’électricité à partir de biogaz.
** BG16: Contrat conclu au titre de l’arrêté du 13 décembre 2016, visant les installations de cogénération biogaz de moins de 500 kW, avec un tarif d’achat spécifique pour la production d’électricité.


